C'était censé être le plus beau jour de la vie de tes parents. La naissance de leur enfant tant attendu, après des années sans succès. Pourtant, rien ne s'est passé comme prévu ce jour là. Une infirmière se rend compte qu'il va y avoir de grosses complications et un médecin est appelé en urgence. Ils tentent le tout pour te sauver, mais aussi sauver ta mère. Sauf que rien ne s'est passé comme prévu, évidemment.
« Heure du décès, 16h47. »
Le médecin se retourne vers ton père.
« Comment voulez vous l'appeler monsieur? »
« Cayen. C'est comme ça qu'elle voulait l'appeler. »


« Ce jour là, je suis né en ôtant la vie de ma mère. Il pleuvait dehors, mais à l'époque, il pleuvait aussi dans mon cœur. J'étais trop petit pour le réaliser, mais encore maintenant, je ressens la douleur, cette perte énorme. Je ne me pardonnerai jamais d'avoir tué ma mère. Au lieu de me retrouver contre le corps chaud de ma mère, j'ai senti des écailles froides venir se coller à moi. C'était Nami, qui à l'époque avait pris la forme d'une couleuvre. »


3 ans. C'est à 3 ans que tes pouvoirs se sont déclarés. Malgré ton jeune âge, tu te souviendras toujours des paroles de ton père, le premier jour de tes souffrances.
« Tu vois, Cayen, la souffrance que tu ressens, ce n'est rien comparé à celle que j'ai ressenti lorsque tu as tué ta  mère. »
Tu n'avais que trois ans, mais même si tu n'étais qu'un enfant, tu n'oublieras jamais ses paroles. Nami a été la seule a essayé de te soutenir durant cette longue semaine de souffrance. Nami variait entre la couleuvre et le petit caïman. Elle n'aimait pas ton père et n'était pas des plus sympathiques envers lui. Mais toi au fond, tu l'aimais quand même ton père, malgré la distance qu'il imposait entre lui et toi.


« Il était ma seule famille. Je ne pouvais pas lui en vouloir de réagir comme ça. J'avais tué l'être qu'il aimait le plus au monde. C'est après cette semaine d'atroce souffrance que ma relation avec Nami a évolué. Comme si toute cette souffrance nous avait rapproché. »


Ta famille est toujours restée à l'écart des conflits. Ton père détestait le gouvernement, mais il n'était pas assez courageux pour rejoindre les rebelles. Il avait secrètement espéré que tu le ferais toi, mais après tout, tu étais bien le fils de ton père. Et pourtant, les conflits avaient été nombreux, mais jamais tu n'y avais pris part, tout comme ton père. Tu t'étais contenté de vendre du poisson avec lui et d'apprendre à maitriser l'eau. Ton apprentissage te semblait bien trop facile. Tu progressais rapidement et ton maître le voyait bien. Ce n'était pas pour autant que tu étais le plus fort loin de là. La preuve, lors d'un entrainement il a suffi que tu baisses un instant ta garde pour recevoir un violent coup dans le bas du dos, te laissant une cicatrice à vie. Cicatrice qui te rappelle chaque jour que tu dois devenir plus fort.


« Ce jour là, en rentrant chez moi blessé, je me souviens que j'avais mal. Mais ce qui me faisait le plus mal, c'était de voir Nami souffrir par ma faute. Nami était bien plus forte que moi psychologiquement parlant. Je la voyais craquer pour la première fois et je me suis promis que pour elle, pour ne plus la voir souffrir comme ce jour, je progresserai. Je travaillerai dur pour surpasser mon maître et mon père. Mon père avait le don de guérison et il m'a soigné, bien que l'envie n'y était pas. Je l'ai remercié, mais il n'a pas répondu. Il s'est contenté de me répondre que j'étais faible. »


« Dis Cayen, on ne partirait pas? »
Nami vivait très mal la situation. Ton père devenait de pire en pire à supporter et il déclinait à vue d'œil. Tu soupçonnais qu'il était malade et qu'il refusait de t'en parler.
« Nami, je ne peux pas. Je ne peux pas le laisser seul. »
« Bien, alors il faudra qu'on soit fort, tous les deux. »
C'était prêt du lac à côté de la cabane dans laquelle tu habitais. Ce jour là, tu as ressenti quelque chose de spécial au fond de toi. Nami s'est stabilisée et tu l'as ressenti. Tu ne sais pas si les autres ont eu la même chose. Tu savais qu'à l'académie, les autres daemons étaient déjà stables, sauf Nami. Et voilà que ce jour là, devant le lac, au lever de la lune, Nami s'était stabilisée en une magnifique alligator.


« Je ne m'attendais pas à ce que Nami reste une alligator. Elle avait une préférence pour se métamorphoser en reptile et je ne me souviens pas l'avoir vu devenir autre chose. J'avais toujours cru qu'elle resterait petite, croyant mes pouvoirs insuffisants. Mais c'était faux. J'avais travaillé dur, et cette forme était une récompense à mes yeux. »


« Cayen... Cayen! »
Tu te réveilles en sursaut alors que le soleil brille dehors. Nami, interloquée, s'est réveillée elle aussi. C'était la voix de ta mère. Ce rêve revenait sans cesse. Et les larmes se sont mises à couler sans trop que tu ne saches pourquoi. Tu as perdu ta mère et tu es sur le point de perdre ton père, malade. Il a enfin avoué. Même son don ne peut rien faire pour le sauver. Tu es descendu de ton lit et tu as été te blottir contre Nami. Ses écailles étaient froides, mais ton cœur l'était aussi.


« Aujourd'hui, je vois mon père malade en train de mourir. Il ne travaille plus, mais reste le chef d'entreprise. Je fais du mieux que je peux pour continuer tout ce qu'il a entrepris, mais je ne me sens pas à ma place. Nami et moi, on est fusionnel. Malgré certains conflits entre nous, notre relation est forte, très forte. C'est la seule à qui je fais confiance. Je rêve de voir du monde, de découvrir le monde. Je rêve d'un monde en paix et de trouver le bonheur. Je suis bien naïf sans doute, d'avoir des rêves pareils, mais qui pourrait m'en vouloir? »